Plan de traitement #S1 Episode1

Avancée fulgurante depuis le 22 octobre, l’agenda se remplit et la concrétisation des plans de conception se précisent.

Pendant la visio en direct avec Sergio, mon Gygy ibérique, on attaque dans le dur : revue des antécédents ; endométriose, fausses couches préalables, chances et surveillance de grossesse ; pertinence du test de compatibilité génétique, syndrome de Lynch et sélection d’embryon par diagnostic pré-implantatoire lors d’une éventuelle FIV ; calendrier de traitement, tout y passe.

Si mes amies les règles tombent le jour prévu, le lendemain, je file me faire piquer une énième fois et montrer ma chambre intérieure à la Clinique de GygyAllié alias Moshê le Messie. Quelques jours plus tard, je commence les dix jours de picouzes régulières qui stimuleront mes ovaires (et me feront vomir autant qu’elles éveilleront ma libido et mes larmes et mes vomissements et toutes les joies d’un traitement hormonal, il va sans dire). Quatre puis six jours plus tard, rebelotte, examens sanguins des taux d’oestradiol et de progestérone et inspection de la croissance des follicules au sein de la matrice. La course à l’insémination se termine à la mi-novembre : à J11, il me faudra être à Madrid, mes cycles courts rendent préférable un séjour plus long, lors duquel la préparation de la matrice est dument observée afin de créer les meilleures conditions de la collision programmée d’un spermatozoïde et d’un ovule. Marchera, marchera pas, cela n’en demeurera pas moins la première tentative.

J’attends mes règles de pied ferme, je me prépare doucement, prends mes cachets d’acides foliques et booste mes vitamines B9. Les picouzes attendent leur tour, me regardant du coin de l’œil chaque fois que j’ouvre le frigo. La question du Traitement-au-long-cours-de-stabilisation (j’en parlerai plus précisément, promis) à partir de l’insémination et pendant la grossesse se pose : je réduirai d’ici peu la pilule #SeeTheBrightSideofLife, je poursuivrai celle appelée Equilibre mais ne suis pas dupe quant aux futurs effets des chamboulements hormonaux de la grossesse. Bienvenues montagnes russes !  Je préfère le maté au café, je baisse drastiquement le nombre de clopes que j’aurais fumées pour palier l’angoisse en les substituant, pêle-mêle, par un verre de jus de gingembre, les bouffées imaginaires d’une clope non-allumée, de tendres baisers ou des graines de courge et des noisettes.

#StayTunned

#Downdate du 5/11:

Mes amies R. ne se sont pas présentées au rdv. Mon cycle court décide de s’allonger pour le fun en me faisant un pied de nez, traçant hilare à dos de chameau véloce, comme qui dirait. J’avais pourtant confiance niveau symptômes, je me voyais, entre autres joies menstruelles, bien sensible. Je vous l’accorde, la cause pouvait être exogène -voir plus loin- mais cela n’explique pas les douleurs dorsales et la facilitation de mon transit propres aux périodes de poussée endométriale -ami.es du glamour et des cacas pailletés bonjour- (quoique cette situation me fasse globalement bien chier il faut le dire).

Bref: le calendrier vole en éclats, et me voilà repartie à élaborer un nouveau planning éventuel: c’est con, si tout se passait bien, j’aurais même évité les absences au boulot pour les échos (un sujet à traiter ultérieurement, d’ailleurs, parce que cela s’avère plus épineux à justifier que les rdv grossesse…Et mon chef de me haïr un peu plus…).

C’est encore plus con, si je menstrue ce soir, c’est en plein week end qu’il faudra qu’on m’examine…Bien décidée à éviter de tout décaler au cycle suivant, j’entame un nouveau marathon d’annulation et prise de rencards pour vérifier la non-présence kystique sur mes ovaires et observer les dents de scie de mes taux hormonaux à J2, puis à J7, J9 et potentiellement J11 (soit J+4, 6-7, 8-9 post- stimulation, vous suivez?), sans oublier du même geste de compter et mesurer ma production folliculaire, j’essuie quelques fins de non recevoir. Visiblement, même dans les centre spé en PMA, faut savoir choisir ses jours. Sur les conseils avisés d’une copine Fivette (merci les groupes des réseaux sociaux!), je réussis à obtenir le précieux sésame pour une écho samedi-très-tôt, ne reste plus, une nouvelle fois, qu’à attendre d’obtenir la collaboration de la Matrice.

Au chapitre émotionnel, pour parfaire le tableau, Joie2Vivre a semble-t-il flippé et m’a fait part de son souhait de quitter l’Eventail des possibilités. Je ne suis pas encline à modifier mon regard, j’assume totalement ma dithyrambe à son égard et ne me consolerai pas dans le fait de lui en vouloir. Sans dépendance émotionnelle, mon pti coeur n’est toutefois pas en kevlar. Trève de rimes en -war, c’est un soutien de choix, un poumon d’oxygène anti-stress qui s’éloigne, sans disparaitre tout à fait du paysage pour autant. Autant vous dire que ces jours-ci, j’en mène pas très large.

#Downdate du 6/11 au soir.

Mes amies R. se foutent sévèrement de ma gueule et tracent une fois de plus MDR à dos de vif dromadaire. Une nuit à me réveiller toutes les heures pour constater que « Ah non non toujours pas ». Un réveil à 6h pour des prunes et encore un rdv dans l’os et un calendrier à re…Non!

On va s’économiser. On refuse de stresser, ça fera que les retarder, ces traîtresses. On attend sa vengeance avec impatience. On passe ses nerfs en alternant les malédictions lancées: un peu elles, un peu Jouis2Vivre. Et on mange des gélules d’huile de foie de morue pour ses carences en Vitamine D et des cuillères de Macadamia Nut Brittle pour…votre gouverne!

#UpSideDownDate du 11/11

Habemus reglam. Il en est fini de ce stress-là. Top départ: Nouveau marathon Echo-follicules-progéstérone-oestrogènes à J 2,5.

#SuperUpDate du 13/11

Nouveau plan de traitement: Picouzes de 22h, Echo-follicule-Prise2Sang à J5, puis J7, puis avion, puis Echo-follicule-Prise2Sang à J9, puis induction Ovitrelienne de l’ovulation et attente madrilène du moment de grâce…Croisons orteils et annulaires pour que le corps coopère et que les étoiles restent alignées.

Tu sais que t’es en PMA quand le samedi soir tu

  • A -écris un mail à ton boss pour annoncer une absence imprévue -de droit au royaume de la théorie, promis j’y reviendrai-
  • B -regardes des tutos de picouzeries (qui ne sont pas Grey’s Anatomy)
  • C -t’abonnes à 3 alertes différentes pour surveiller les chambres dispos et les vols vers Madrid du 18 et les retours pour les 4 soirs suivants, en fonction de la coopération corporelle…tout en te répétant qu’il n’y a pas urgence, que rien n’est sûr et qu’il faut garder la tête froide

(Ces propositions ne sont pas exclusives les unes des autres.)

#UPSIDEDOWN DU 20/11 « On avance, on avance, On recule pas »…Mais on est au point au mort.

Dense semaine. Difficile de s’écrire entre les allers-retours à LaVille tous les deux jours, avec le lot de programmations-déprogrammations-reprogrammations de rendez-vous (et de cours, du coup), les bouchons et les pics de stress qui accompagnent le tout, sans oublier le quotidien un peu bousculé et son jonglage entre les situations compliquées d’élèves, les courses à l’ordonnance, les réunions syndicales, les piqûres de 22h et j’en passe.

Pendant  ce temps-là, dans mes ovaires…

Samedi 13 (J3)Echo et PdS, Picouze 1 50ui PuregonOestradiol à 85ng/l Pas d’anomalie. Ovaire Droit : 8 follicules : 6,7/3,6/3,5/2,8/2,6/3,1/3,6/2,1 mm. Ovaire Gauche : 11 follicules : 5,7/12,6/7,6/7,8/2,2/2,8/4,7/3,1/2,2/2,4/6,7 mm. [A mon humble avis de profane, l’avenir nous montre une erreur ovaire gauche]
Dimanche 14 (J4, +1 stim)Picouze 2 
Lundi 15 (J5, +2 Stim)Echo et PdS, Picouze 3Oestradiol à 117 Pas d’anomalie. Endomètre à 4,5 OD : les 2 plus volumineux à 11,6 et 8,5 OG : les 2 plus volumineux 8,8 et 10,4
Mardi 16 (J6, +3 stim)Picouze 4 
Mercredi (J7, +4 Stim)Echo et PdS, Picouze 5Oestradiol à 202 Pas d’anomalie. Endomètre à 7 OG : 10 follicules : 3,7 mm, 3,8 mm, 3,9 mm, 4,3 mm, 4,7 mm, 5,3 mm, 5,9 mm, 8,5 mm, 8,6 mm, 8,9 mm OD:3 follicules à 6,5, 9,5 et 13,5
Jeudi (J8, +5 stim)Picouze 6 
Vendredi (J9, +6 stim)Echo et PdSOestradiol Pas d’anomalie. Endomètre à 8 OG : 10 follicules à 11 mm, 10 mm, 10 mm, 5,5 mm, 5 mm, 8 mm, 5,6 mm, 4,7 mm, 4,5 mm, 4 mm OD : 3 follicules de 17 (22X12), 13 et 15 GAME OVAIRES
Cherchez l’erreur dans le tableau ci-dessus

Les plus versées sur la question auront bien capté le souci. Pour les autres, quelques explications

Pour les result oriented, à la vue des examens, la semaine se clôt sur une sentence dilemmatique : « Votre corps répond trop à la stimulation, 3 follicules matures induisent un risque accru de grossesse multiple. »

Vous avez alors 2 options :

-Vous êtes joueuse ? Jouez donc la carte « Chance », induisez l’ovulation, sautez dans un avion et passez par la case insémination dare-dare.

-Votre deuxième prénom est Prudence ? Assurez le coup en passant votre tour, reportez au cycle suivant et dites Bonjour au nouveau marathon qui s’ouvre devant vous.

Voir infra pour répondre aux questions : « L’analyse semble un peu touchy : un gros follicule, 2 moyens en plus d’une dizaine de petits, il semble bien peu probable que les follicules moyens ovulent, n’est-ce pas un peu « trop » précautionneux d’annuler l’IAD ? » Ou encore : Mais ne va-ce pas être de nouveau le cas à chaque stim’ ? et autres qui tournent dans votre tête en mode machine-à-laver.

Pour ceucelles qui suivent Enquête exclusive « en immersion dans le quotidien d’une PMIste solo-clando », passons la semaine par le menu et reprenons chronologiquement.

Intense semaine, disais-je, les prises de sang et les 4 échos, toujours épiques, le rendez-vous « Annonce ta PMA à ton chef », une grosse explication avec mon SuperGygy…Je m’étends là-dessus parce que vous connaissez mon aversion pour la synthèse et pour rendre compte de tout ce qui tourne-pas-rond-en-rond dans le cerveau des PIMPS.

Petit préambule : pour comprendre les niveaux de stress de la semaine, petit retour en arrière pour se rappeler…

Que je fais ma PMA à l’étranger, une PMA solo, accessible en France, certes, avec les limites déjà évoquées.

Que par conséquent, avant de sauter le pas, j’ai passé un bon moment à préparer tout ça, en me renseignant, en pesant le pour et le contre d’entamer la même procédure en France, en trouvant les Perles rares médicales qui accepteraient de me suivre, le prêt qui me permettraient d’entamer cette longue route l’esprit tranquille, en me mettant en quête d’un appartement dans LaVille située à 1H de chez moi (sans bouchon, ce qui n’arrive qu’entre 23h et 6h du matin) où vit une partie de ma Team et où officie ma Pool médicale française et un long etc.

L’appartement et le déménagement, c’est en cours et c’est long, le reste, c’était impec’. Et puis là, d’un coup, quand tu es dans l’œil du cyclone, tout fout le camp. Comme si c’était pas assez stressant tout seul. Comme si, irresponsable, tu n’avais rien préparé. Comme si tu avais le don de te mettre dans les situations de merde, diront d’autres.

Mi-septembre, j’avais revu SuperGygy pour fignoler la préparation de mon Bilan de fertilité. Après de nombreuses discussions sur la procédure, une énième répétition du même conseil de sa part selon lequel mon séjour espagnol était préférable à une longue attente gauloise, nous effectuions de concert les derniers examens en vue de la concrétisation et il m’honorait d’une ultime confirmation qu’il assurerait la partie française du suivi.

Fin octobre, le rendez-vous avec Dr Gentleman, son homologue hispanisant, lançait les hostilités : il me transmet plan de traitement et ordonnances pour les multiples examens de ce premier marathon. Au fur et à mesure des avancées, je ne manque pas de transmettre à SuperGygy en lui demandant comme prévu lesdites prescriptions. Pas de bol, SuperGygy est en vacances. Gros bol, SuperGygy répond quand même.

Commence une balade bucolique d’une dizaine de jours, la dizaine-même où tout se joue pour ma première insémination : d’abord, il me fait savoir qu’il ne peut pas légalement me transmettre les ordonnances par mail et, ne pouvant me recevoir dans les délais, me conseille de me tourner vers mon médecin traitant « pour plus de facilité ». Je m’exécute sans trop y croire, dans l’attente d’une meilleure solution, tout en lui rappelant gentiment que ce n’est pas mon médecin traitant qui réalise mon suivi PMA et que je préférerais une brève consultation de suivi ou, à défaut, qu’il me dise ouvertement de trouver un « gynéco de ville » pour cela.

Non, je ne suis pas de celles qui ne pensent qu’à leur [futur] nombril [qui bloppe au 9e mois], je sais combien SuperGy2 est top et son temps précieusement nécessaire au suivi de copines Endométrieuses ou d’autres qui souffrent de milles maux vaginaux. Mais que dois-je comprendre de ce retournement de veste ? SuperGy2 me lâche en plein dans l’œil du cyclone ? Il me semblait pourtant que nos échanges avaient été clairs et son engagement -à prendre au sens plein du terme- à mes côtés dans cette démarche, sans réserve, au grand étonnement, d’abord, de la féministe que je suis, avant de découvrir le grand allié qu’il était. Pourquoi SuperGy2 s’est-il engagé s’il ne peut effectuer mon suivi ? Est-ce vraiment un changement législatif relatif à la transmission des ordonnances ou la réactivité que demande le suivi, peu compatible avec son agenda chargé et dont il n’ignorait rien qui posent problème ? Ou s’agit-il plutôt d’un non-dit sur le sujet épineux des ordonnances pour le traitement remboursé d’une PMA en solo à l’étranger ?

Fin de non-recevoir du médecin traitant à qui j’ai demandé conseil pour savoir vers qui me tourner (et pas de me fournir des ordonnances, me doutant bien de l’issue), agrémentée d’une gentille remarque dont je me serais bien passée. Et SuperGygy de me dire de m’adresser aux gynécologues qui effectuent les examens programmés cette semaine dans la clinique où SuperGy2 officie. Problème : il ne me semble pas que les radiologues spécialisés qui comptent patiemment mes follicules puissent justifier la prescription d’une stimulation ovarienne et SuperGy2 (qui perd de sa superbe en me promenant de la sorte) ne doit rien en ignorer.

#J5. Lundi soir, après quelques heures de cours au compteur et une réunion avec mon chef annonçant mes occupations du moment et les changements de cours au pied levé qu’elles impliquaient, j’enfourchais mon destrier pour affronter les bouchons et discuter croissance de follicules avec le jeune indolent -mais non moins fort recommandé pour quiconque doit passer son appareil génital au peigne fin- Dr Forest De Latouffardente. Le même qui examinait mon endométriose l’an dernier. Pas toujours délicat dans le verbe, mais très performant. Ses vannes généralement bien senties appréciaient mes réponses à l’acide et les échographies tendaient à se transformer en de brefs mais grands moments de joutes verbales.

Dans la présente aventure, peut-être est-ce dû à un certain manque de tact de sa part plus qu’à un véritable jugement, j’ai quand même la vague sensation qu’il me prend sans doute un peu pour une conne. Disons-le, j’étais pas bien à l’aise face à ses questions sur les conditions de réalisation de mon projet lors de notre premier rencard, ne sachant si mettre à nu ma clandestinité de non-infertile solo en suivi à l’étranger, sous le couvert d’un confrère français que je n’aurais pas aimé mettre dans l’embarras. « Zinquétépa chuis habitué, y’a rien à cacher, hein ».

J’étais pas bien plus à l’aise lors du second rendez-vous : alors que, face à la question « Mais vous faites ‘ça’ [la PMA] pour quoi ? », je m’étends ovaires ouverts sur mon historique utérin, je finis par comprendre, gênée, que celle-ci attendait une réponse bien plus simple que Ma Vie, Mon Vagin, visant à identifier plus précisément la raison d’une infertilité donnée comme certaine, pour mieux savoir où regarder. Non, une fois de plus, je ne suis pas infertile. Oui, je sais, j’ai cette chance, je la mesure. Oui, je fais une PMA quand même.

Je comprendrai a posteriori qu’il donne aussi pour certain que PMA=FIV, tout comme ses deux confrères qui m’examinent en fin de semaine, puisqu’ils n’auront tous à la bouche que « le follicule sélectionné » et expédieront mes questions d’un « Zinquétépas ils demandent toujours la même chose », sans prêter bien attention à ce que je demandais ni donner, donc, à la profane que je suis les infos demandées. En effet, eux ne voyaient pas le problème, assumant que j’étais dans l’attente d’une fécondation IV, mais positives dans le cas d’une FIV, les échos ne l’étaient pas nécessairement dans le cas d’une IAD…Ce qui s’avérera crucial.

Note pour plus tard : à chaque étape, à chaque médecin, à chaque infirmière, à chaque secrétaire, il va me falloir repréciser, sans sourciller, sans hésiter, sans louvoyer, en portant bien haut mes ovaires féministes que je fais une PMA, Non, pas en FIV mais en IAD, Non, pas pour un problème d’infertilité, Non, en solo, Non, à l’étranger.

Je ne peux pas dire que j’aie rencontré jusque-là de réactions médicales « hostiles », j’ai plutôt été agréablement surprise des encouragements de certains et du « naturel » du procédé pour d’autres. Je ne peux pas dire non plus malheureusement que je ne me sois pas sentie jugée. Les réactions dépendent du degré de précision des informations à leur disposition quant à mon projet. Elles ne sont pas nécessairement émises comme jugeantes, mais elles n’en demeurent pas moins violentes.

A ce jeu, les silences en disent parfois plus longs que les mots, c’est un peu ce que j’ai senti dans le « Ah » suivi d’un blanc de l’infirmière qui checke mes œstradiols, si compatissante au mot « PMA » et bouche-bée quand elle apprend que Non, mon conjoint n’est pas suivi parce qu’il n’y en a pas.

C’est un peu ce que je ressens au visage interdit ou la mine légèrement déconfite de Forest et ses compères découvrant qu’il ne s’agit pas d’une FIV et que je ne suis pas infertile. Peut-être est-ce le fruit de ma propre appréhension, de mon propre sentiment de clando. Peut-être se disent-ils qu’ils perdent leur temps pour une vulgaire « PMA de confort » ? Est-il normal que les réactions médicales que je rencontre affirment chez moi la sensation étrange et culpabilisante de prendre la place d’autres femmes qui souffrent « vraiment », elles ? N’est-ce que dans ma tête qu’existe le regard réprobateur sur la légèreté dont je fais preuve en prétendant accéder à cela alors que je pourrais-devrais faire autrement, en ayant l’outrecuidance de le faire de surcroit illégalement, à l’étranger, tout en faisant rembourser mes soins ?

C’est ce genre de « questionnements » à mon égard, pour en revenir à notre affaire, qui revient sur la table quand, Lundi soir J5, donc, le susnommé Forest me confirme, sur le ton un peu ironique d’un « T’es vraiment lente ma vieille », que ce que me demande SuperGy2 est tout bonnement impossible car lui n’est pas gynéco (ah, les profanes, il faut tout leur dire) et qu’il lui est interdit de faire dans l’auto-prescription, ce que SuperGy2 sait bien. Dans le plus pur style pied-dans-le-plat qui le caractérise, il a l’honnêteté de prendre par la trompe non pas mes ovaires, mais l’éléphant qui est dans la pièce et me dit sans détour que le problème ici, c’est sans doute que mon Gy2 ne veut pas signer de prescriptions qui couvriraient une PMA à l’étranger. Merci, Forest, j’y aurais pas pensé. Enfin, au moins je ne suis pas parano. Et je te sais gré de ton parler-franc. Moins de ton sourire entendu lorsque je t’explique pourquoi j’ai des raisons de douter de cette conclusion peut-être un peu hâtive. Et j’en ai déjà marre -même si je ne découvre rien, même si je sais que ce n’est que le début et qu’il va falloir l’intégrer pour mieux y répondre- qu’on -vous, y compris, médecins et personnel soignant du monde joyeux de la fertilité- vienne renforcer mon sentiment d’illégitimité et mes réflexes de clando.

Je passe sur les conditions dans lesquelles j’ai passé cet examen, après 1h30 de bouchons, une autre heure trente à faire le pied de grue la vessie pleine, dans un hall bondé de patients excédés par l’attente et d’infirmières à bout de nerfs après une journée de panne informatique. Compte tenu de tout ça, il était plutôt zen le Forest. Moi un peu moins. J’ai bien pris mon mal en patience, mais quand je me suis fait engueuler par une infirmière parce que j’avais besoin d’un certificat de présence pour un employeur qui n’allait sans doute pas me louper sans, j’avoue avoir un peu plus accusé le coup que d’habitude. Les hormones, sans doute.

#J6. Le stress s’est aussi prolongé jusqu’au lendemain : malgré la promesse de Forest de de me faire le compte-rendu en priorité, n’ignorant pas l’importance des heures qui s’écoulent dans les adaptations de traitement d’une PMA, à 12h je n’avais toujours rien et un centre hispanisant qui me mettait une sacrée pression.

Le soir-même, une fois les résultats transmis et la poursuite sans changement du traitement décidée, n’en pouvant plus de chercher des solutions au souci d’ordonnance et de douter sur le positionnement de ce si cher SuperGy2, je lui écris un mail de semi-rupture. Je reprends les mots de son confrère en soulignant qu’il devait se douter de cette réponse et lui fais part de mon désarroi depuis l’impasse dans laquelle je me trouve. Je lui dis mon malaise à l’idée de devoir contacter un gynéco dont je ne connais pas la position sur ma démarche, qui ne connait pas mon cas et se retrouve à se faire forcer la main pour prendre la délicate affaire en cours de route. Bref : je crois pas qu’un gynéco prescrive une stim’ le premier soir ni à la première venue. Je lui dis aussi combien je regrette la situation, tant j’aurais préféré que ce soit lui, avec qui je suis particulièrement à l’aise, qui me suive comme nous en avions convenu. Je lui demande donc de m’orienter vers un.e confrère/sœur qu’il sait favorable.

Dans les 5 minutes, il me répond et me file rencard le lendemain matin très tôt. « SuperMoshê n’accepte pas la rupture », rira MaSoeur qui suit les aléas de ma telenovela avec mon Supergynéco non-binaire, bien le seul dont je dise régulièrement que je l’épouserais. Qu’à cela ne tienne, je déplacerai des montagnes jonglerai entre son cabinet et le centre de radiologie où je dois être une demi-heure plus tard pour l’écho J7, SuperGy2 le vaut bien.

#J7 En rentrant dans son cabinet, je choisis la carte de l’humour pour détendre d’entrée l’échange « A quel point me détestez-vous ? Une ou deux boîtes de chocolats ? » Il répond avec un sourire tendre que cela n’a rien à voir avec moi. L’explication au sommet commence. Alors qu’il « fait ses pages d’écritures », précieux sésames, il me semble d’abord qu’il louvoie, s’insurgeant contre les cliniques qui laissent leurs patientes, engagées dans une procédure très complexe, se débrouiller avec les ordonnances.

Je lui explique que bien que j’en prenne effectivement plein la face lorsque les secrétaires se trouvent face à des ordonnances espagnoles, le problème n’est pas qu’elles ne me permettent pas d’effectuer les examens. Il est que je ne suis pas Crésus et entends me faire rembourser les traitements d’une procédure qui devrait m’être accessible en France, ce qu’il n’ignore pas, comme il n’ignorait pas la réactivité que demanderait un suivi PMA lorsqu’il a accepté de me suivre. Si l’un de ces éléments pose problème aujourd’hui, ce dont je peux tout à fait convenir quoique cela n’ait pas semblé être le cas hier, mieux vaut le dire sans ambages et m’aider si possible à me tourner vers quelqu’un.e qui pourra assumer tout cela, je suis apte à le comprendre et lui en voudrais d’autant moins qu’il aura été honnête.

Il fait ensuite référence à l’interdiction de transmettre des ordonnances sans consultation et à l’impossibilité qui est la sienne, malgré le fait que je lui sois fort sympathique, de me recevoir dans les délais et termine en soulignant aussi les responsabilités qu’impliquent pour un médecin les lourds traitements prescrits. Je lui indique qu’il ne l’ignorait pas en acceptant de me suivre, me rassurant même de l’avis qu’il pourrait émettre à chaque étape, lui qui connait si bien les spécificités qui sont les miennes, mais comprends bien l’impossibilité de me suivre effectivement.

Sur les remboursements des traitements pour une procédure à l’étranger, je dis combien j’aurais préféré effectuer la procédure en France, mais aussi combien nos échanges et ses conseils ont confirmé mes décisions. Lui revient sur l’hypocrisie française et l’analyse que nous partageons de la « fausse ouverture » de la loi de juillet : le législateur ne s’y serait pas pris autrement s’il avait voulu empêcher l’ouverture de l’accès aux célibataires et aux non-prioritaires médicales, qu’en se prenant les pieds dans le tapis de l’ouverture de l’accès à l’identité des donneurs déjà bien peu nombreux.  

En somme : il s’est un peu avancé en proposant d’assurer le suivi, il lui est sans doute bien impossible de me recevoir avec la flexibilité qu’implique la PMA, j’ai peu de doute sur le fait qu’il ne juge pas défavorablement ma démarche, mais sans qu’il le dise, alors qu’il officie dans une clinique où se trouve un centre de fertilité, il n’a sans doute ni envie d’assumer les risques de contrôles, ni de marcher sur les platebandes de ses confrères.  

Dans un dialogue à peu près cartes sur table, nous avançons, à l’écoute l’un de l’autre. Il se satisfait que nous arrivions si bien à gérer la communication, soulagé que nous ayons « passé notre première crise » (ses mots, je le soupçonne d’avoir parlé avec MaSoeur), je le remercie d’avoir pris le temps de l’honnêteté de l’échange. Nous convenons d’une solution en vue de nouvelles tentatives : il espère que ses efforts porteront afin qu’un de ses confrères du centre de fertilité effectue mon suivi. Ordonnances et solution potentielle en poche, je m’en vais faire mes examens, un J7 tout à fait normal.

#J9 Vendredi.

Vendredi, initialement, c’était le jour du vol vers Madrid pour la dernière écho avant ovulation et insémination. J’étais prévenu dès le mercredi soir : l’insémination serait sans doute finalement plus pour Lundi-Mardi-Mercredi de la semaine suivante, je ne serai pas tenue d’être là le Vendredi. Plutôt dans le week end pour lundi, ou lundi ou mardi. On s’adapte, on s’adapte, on recule pas : reprogrammation d’une écho à J10 si insémination à J12 et à J12 si à J14, dans le doute. Recheck des billets d’avion, recheck des obligations. Me voilà prévenant chefs, parents et élèves que je ne serai sans doute pas présente pour la réunion parents-profs du mardi en question.

Vendredi, donc, la journée dans les pattes, les yeux encore embués d’une situation-élève qui te ramène à tes propres démons et les ovaires en pelote, je rechevauche mon fidèle destrier, en route vers ma clinique préférée. Sur le chemin, j’échange avec ma Coordo hispanique : mes examens ont lieu tard, comme annoncé, mais un médecin de garde me donnera la marche à suivre. En fonction des résultats, il se peut que je doive donc continuer le traitement de stim’, mais je n’ai plus d’ordo. Elle me l’envoie por si acaso, de même que celles pour les échos de demain et lundi (autant dire que celle-ci n’auront pas de traduction française). Problème : le traitement de stim’ est aussi cher que difficile à trouver, les pharmacies ferment d’ici 2h grand max et moi je m’apprête juste à aller faire mes exams, comme annoncé.

Une urgence après l’autre. Pendant que MaSoeur appellent les pharmacies, faisant chou blanc, je m’occupe des exams. Le taux d’oestradiol entame sa montée vers l’ovulation, a priori va falloir se bouger sans attendre mardi. Le climat est plus apaisé à la clinique qu’à J5, l’informatique fonctionne et le radiologue a l’air refait en m’annonçant une belle croissance folliculaire : « le sélectionné » (si je faisais une FIV ce qui n’est toujours pas le cas) est à 22X12, soit 17 de moyenne. Au passage, je capterai seulement ce jour-là que chaque radiologue faisant à sa sauce, les chiffres qu’ils me donnent ne sont pas comparables parce que les mesures ne sont pas toutes les mesures moyennes, celles qui comptent. Naïve, je prête pas attention plus que lui au fait qu’il y en ait deux autres, moyens mais quand même pas des moindres, à 13 et 15 du même côté, et puis dix autres de l’autre côté.

MaSoeur ayant localisé une pharmacie H24 dans le quartier qu’un jour, si, si, j’habiterai, j’appelle, bien décidée à traquer la dernière boîte de Puregon de LaVille. Ils disposent du Graâl et me le réservent.

19h. Je file camper devant la pharmacie, actualisant la page des résultats des examens à transmettre en urgence à Madrid, les attends, les envoie, attends une réponse sur la conduite à tenir et la nécessité de me délester de 200€ supplémentaires dans l’immédiat.

20h30. Ma Coordo me conseille d’aller chercher le Graâl, n’étant pas certaine de l’heure à laquelle le médecin pourrait répondre.

20h47. Je n’y tiens plus. Je rêve de rentrer me reposer. J’y vais. J’obtiens le Graâl.

21h04. Alors que je retourne à la voiture, ma Coordo m’appelle. Le médecin a répondu. Il semble qu’il faille tout arrêter. Game Ovaires. Mon corps a trop bien répondu aux traitements, trop de follicules arrivent à maturité, il existe un risque élevé de grossesse multiples. A 3 follicules potentiellement ovulant, on me laisse encore le choix. A 4, ils ne prendront pas le risque d’inséminer. Les deux options évoquées plus haut s’offrent à moi. Je suis sans voix. Je ne sais pas comment raisonner pour arriver à une décision dans l’instant. Je dois donner une réponse le lendemain avant 10h, sans quoi le délai pour induire l’ovulation et inséminer Lundi sera peut-être dépassé.

23h. J’envoie un mail pour un bref entretien avec le doc le lendemain avant d’arrêter une décision. J’ai besoin de comprendre.

9h Ma Coordo me dit de rester joignable.

10h40. La Doc de garde m’appelle. Compatissante, elle me dit que mes examens seraient regardés différemment dans le cas d’une FIV, évidemment, puisqu’on isole plusieurs follicules les fameux « sélectionnés », mais qu’une IAD implique moins de contrôle. Sur les risques réels de grossesse multiples, elle me dit ce que l’on maitrise ou non. Si les trois follicules peuvent arriver à maturité, il est possible qu’il n’y en ait qu’un qui ait ovulé le jour de l’insémination, et qu’à l’issue, il y ait donc fécondation une première fois, puis une seconde voire une troisième lorsque les autres se décident à ovuler dans les jours qui suivent, les spermatozoïdes de GentilDonneur survivant plusieurs jours en ondulant joyeusement là-dedans. Sur la réponse à la stimulation et la potentielle répétition du même scénario, elle me dit que je viens juste d’effectuer le premier tour, le tour de chauffe en quelque sorte, celui où l’on teste les réactions de mon corps. Reporter l’insémination permettrait un essai « sur cycle naturel », c’est-à-dire sans stim’, ou avec un dosage plus faible. Mon corps ne répondra pas nécessairement de la même manière, on pourrait atteindre les 1 à 2 follicules max permettant d’aborder l’ovulation et l’insémination en toute sérénité. Prendre le risque d’une grossesse multiple, c’est aussi devoir envisager la réduction embryonnaire, au risque de perdre tout le monde, et de très, très, mal le vivre.

La candidate ravale donc sa frustration et ses douleurs ovulatoires et peut raisonnablement, à la lumière de cet éclairage, prendre la décision de passer par la case départ (sans toucher vingt-mille-franc) et de retenter son coup au prochain tour.

Fin du round, mais début du game.

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